Froissant le papier entre mes doigts couverts de poudre rouge, je délaisse un soupir entre mes lèvres quelques secondes auparavant scellées, lançant le morceau de parchemin dans la corbeille à papier la plus proche de moi. A côté, le volatile porteur de la missive s’agite, m’incitant à porter le regard sur lui. « J’vais pas t’bouffer. Tu peux y aller. » Fascinant, comme l’animal peut être effrayé par un autre, qu’il juge bien plus dangereux, plus tordu certainement. Mon regard vairon s’attarde quelques instant sur l’oiseau qui ne s’est pas fait prier pour quitter les lieux, avant que je ne reporte finalement mon attention sur le travail que j’étais en train d’effectuer avant d’être interrompu. L’alchimie ne permet pas vraiment qu’on la fasse attendre, et je suis déjà en retard sur ma composition. Un petit incident que je peux nettement rattraper. À mes côtés, une silhouette s’agite, homme guère plus âgé que moi, ou de quelques minuscules années, je ne lui adresse qu’une vague œillade, d’ores et déjà persuadé que je n’aurai pas à attendre bien longtemps avant d’entendre son magnifique accent français. « Une lettre de ton père si mon odorat ne m’abuse. » J’acquiesce d’un simple signe de tête, avant de verser le reste de poudre dans la mixture qui s’avère être plus intéressante que la conversation actuelle. « Laisse-moi deviner. L’Alpha te somme de rentrer. » Un étirement de lèvres cette fois-ci, alors que je me redresse, délaissant mon œuvre. De toute évidence, je ne saurai la finir aujourd’hui. « Combien de temps, et dans quel but ? » Me croiriez-vous si je vous disais que Charles ici présent, descendant du fameux Gévaudan, n’est qu’un sale petit curieux ? « Trois jours. Pour la guerre. » Il fallait s’y attendre, les nouvelles circulent vite, surtout de cette importance. Mon cousin de France n’émet aucune remarque, il a ses propres soucis, lui qui est l’Alpha de la meute qui m’a chaleureusement permit de venir visiter leur territoire. Trois jours. Autant partir ce soir. « Merci de ton accueil Charles, ce fut très instructif. » Règle de politesse, soumission d’un membre inférieur à l’Alpha de la meute. Pour l’instant tout du moins. Sans vraiment demander mon reste, je nettoie mes mains sous un jet d’eau, avant de quitter la salle dédiée aux expériences du genre qui ne peuvent plaire qu’à moi. Mon unique but est d’achever de préparer mes affaires, et de rentrer au plus vite dans nos douces contrées pluvieuses. Mon sac est vite fait, je n’amène que très peu de choses avec moi durant mes voyages, comme si je savais d’ores et déjà que mon paternel ferait tout pour les gâcher à un moment ou un autre. Cette fois, il a réussit à patienter deux semaines. Un record. Inutile de prendre la peine de plier, tout est fourré dans le sac alors que dans un même temps, j’allume une cigarette, évacuant par cet intermédiaire la colère qui me ronge et m’habite depuis deux décennies. On bruit attire mon attention derrière la porte, on toque rapidement, et une chevelure blonde fait son apparition, créature fourbe et sauvage qui attrape rapidement un pan de ma chemise pour m’attirer à elle. Un grondement franchit ma gorge alors que j’attrape sa nuque pour mieux attraper ses lèvres, baiser bien plus brutal que tendre. « Arrange-toi pour ne pas me remplacer trop vite. » que je laisse échapper dans un souffle rauque. Au fond, je me fiche pas mal qu’elle trouve un autre compagnon pour réchauffer ses draps, c’est juste un instinct de possession qui refait surface. D’autres viendront me faire leurs adieux, faut croire que même entre deux meutes bien distinctes, on est quand même une famille.

Ce que je déteste avec les transports moldus, ce sont justement les moldus. Trop présents, trop nombreux à mon goût. En même temps, me direz-vous, quelle idée de prendre les transports en commun ? C’est plus long, et ça me permet de ne pas rentrer trop rapidement chez moi. Pas que j’aime pas le patelin ou je vis hein, bien au contraire, juste que j’ai pas franchement l’envie de voir le paternel et l’entendre m’aboyer des ordres à tout bout de champ… Mon rôle en même temps, le principe de la hiérarchie dans ce milieu qu’un simple humain ne saurait comprendre, mais croyez bien que je n’ai plus qu’une hâte : prendre sa place. Comme tout bon petit prince qui se respecte. L’ennui, c’est que je n’ai pas encore les capacités requises pour achever mon Alpha, et que personne d’autres ne le pourrait, puisque je suis le second dominant après lui. Second problème, Fenrir a franchement un grain dans la tête, il faudrait être aussi tordu que lui pour pouvoir le battre sur son propre terrain. Sa dernière lubie ? Ne plus attendre la pleine lune pour se changer, ou encore même laisser ses canines de loup prendre le pas sur les autres. Vous parlez d’une discrétion. En fait, ça n’a pas franchement changé de lorsque j’étais un gamin, j’ai assisté à tous ses degrés de folies, à peu d’exception, et j’me souviens pas avoir été épargné une seule fois. Mon père possède un système d’éducation un peu spécial faut dire, par la terreur et la brutalité, histoire qu’on apprenne à lui tenir tête assez rapidement, à lui et tant d’autres. Le monde Greyback est un monde à part, et si je n’en avais pas fait partie, j’ignore si j’aurais tenu face aux railleries de mes camarades à Poudlard. Le clébard qu’on m’appelait, moi qui était un pur loup, un pur lycan. Le plus amusant, c’était la peur que je leur inspirai toutefois, incapables de savoir si j’allais rétorquer de la seule façon qu’un Greyback connaît : en montrant les crocs, mais aussi à cause de cet œil qui pourrait vous paraître défaillant, mais qui n’est qu’une couleur particulière. La bonne vieille époque. Si je revoyais mes railleurs aujourd’hui ? Je me ferai un malin plaisir de sortir les canines, juste pour les voir se pisser dessus. J’suis rancunier que voulez-vous. Enfin la gare. Nous voilà sur les côtes Anglaises. Sans prendre gare à tous ces insectes qui m’entourent, j’avance, avant de finalement disparaître, CRAC, d’un coup de transplanage, pour mieux atterrir devant la demeure familiale, vieille bicoque de bois aux allures aussi délabrées que la Cabane Hurlante. En avant pour rendre hommage au chef de meute et se mettre au parfum de cette guerre qui m’ennuie déjà.